The Left Place — Reims

Laisse filer les Ombres

Victoria David, Charlotte Denamur, Paul DD Smith

curated by Anne-Laure Lestage

19.01.24 — 28.02.24

 

Paul DD Smith, Hanging in Breaside, 2019-2024 (détail).

 
 

‘Comme une étincelle au creux de janvier, l’exposition collective Laisse filer les ombres aborde en filigrane la présence fragile de la lumière en tant que matière à méditer. Trois artistes entrent en dialogue par leur travail - Victoria David, Charlotte Denamur et Paul DD Smith – pour explorer ce sujet par la sensorialité, la spiritualité et la vitalité. À travers l'utilisation de gestes minutieux (la gravure) et amplifiés (la peinture) ou de savoir-faire expérimentaux (la cire), chaque œuvre investie un des champs périphériques de l'énergie divine, grâce à des jeux de représentations symboliques, sensibles et suggérés. L’exposition tente de rapprocher la lumière à la vision humaine, comme source de connaissances, telle que définie par le célèbre philosophe Platon, et l’étend à un possible enchantement, libéré de son principal obstacle auquel se réfère le titre, l’obscurité.

Au centre de l’espace, une danse céleste, imaginée par Victoria David (Reims, FR), se déploie dans les structures métalliques de la charpente. La percée de couleurs proposée par l’artiste oscille entre une recherche picturale et sculpturale, où notre regard est dirigé vers les cieux, à l'image des vitraux des cathédrales gothiques. Elle dessine un monde fantastique, marqué par l’art médiéval et peuplé de références mythologiques où les figures de Pégase, Saint Georges terrassant le Dragon, Artémis cracheuse de flammes, nous transportent vers un ailleurs aussi merveilleux qu’inquiétant. Ses dessins à la cire sur textile, aussi délicats que rigides, attendent l’heure d’une possible métamorphose qu’un rayon de soleil pourrait provoquer.

Souvent guidée par les particularités des lieux, Charlotte Denamur (Paris, FR) insère et parsème trois peintures bleuâtres entre quelques lattes manquantes du plancher. Dans son travail d’atelier comme dans son travail in situ, l’artiste expérimente la fluidité de la couleur par lavis au sol. Ses couches de peintures luminescentes et successives, plus ou moins transparentes, révèlent accidentellement les empreintes des bâches de protection sur lesquelles l’artiste déploie ses toiles, susceptibles de faire apparaitre des formes sans pourtant devenir explicites. Son rapport liquide à la matière fait disparaitre ses gestes et laisse la place à des sensations colorées qui prennent la forme de bassines au sein de l’exposition, comme des fenêtres inversées qui créent un jour artificiel. 

Quant aux gravures de Paul DD Smith (Berlin, GE), elles ajoutent à l’exposition une dimension mystérieuse et humoristique, témoignant également de son intérêt pour le mouvement des Arts & Crafts, la narration et les formes ornementales. Dans cette série intitulée Hanging at Braeside (2019-2023), l’artiste explore la perception et la modulation de la lumière et entremêle les références à l’histoire de l’art, à la mythologie et à la psychanalyse. Il prend pour décor la maison de son enfance qu’un personnage au chapeau de bougies illumine, avatar croisé de sa propre figure et de celle de Goya. Ses saynètes crépusculaires nous invitent à une introspection, à la fois sérieuse et excentrique, renforcée par les gestes quasi hypnotiques des traits gravés et grattés.’

Anne-Laure Lestage

 

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